Mars 2003 : Bartabas, créateur du Théâtre Équestre Zingaro installe, dans les prestigieuses Écuries Royales du Château de Versailles, un centre de formation et de création artistique pour cavaliers de haut niveau.
Comment a-t-on confié au créateur de Zingaro ce projet ? Pourquoi lui a-t-on chargé de cette responsabilité alors même que le nom qu’il s’est donné et forgé fait référence au monde des Roms ? Ce Peuple de saltimbanques qui ne s’installent nulle part, qui défient et se moquent depuis la nuit des temps de la vanité de nos sociétés ? Comment avec leurs caravanes bringuebalantes, ces orgueilleux bateleurs et leur cirque ambulant ont-ils accepté Versailles ?
Quelles ont été les étapes de ce projet ? Quelles en sont les intentions et les lignes de force ? Comment, ce lieu chargé d’une Histoire lourde de sens (la Royauté dans toute sa magnificence et avant la Révolution et sa perdition) ce château autant historique que symbolique, va-t-il désormais s’organiser et s’articuler autour de cette tribu d’artistes qui se sont distingués sur une piste de cirque et non pas dans un manège rigide et savamment ordonnancé ? Et quelles histoires (anciennes, archaïques, merveilleuses, mythiques, contemporaines) l’académie du spectacle équestre nous racontera-t-elle ?
Ce film est celui d’une métamorphose. Il nous raconte l’histoire de la renaissance d’un lieu, à la fois connu – le Château de Versailles reçoit plus d’un million de visiteurs par an – et méconnu ; les écuries royales, situées en face de l’entrée du château restées désertées et dorénavant investies par une troupe qui va se livrer à d’étranges rituels.
Toute une galerie de personnages nous invite, l’un après l’autre, à investir ce lieu, jusqu’à ce qu’il nous devienne compréhensible et cohérent.
Bartabas, tout d’abord qui nous raconte l’évolution du chantier, qui nous explique les raisons de ces dispositions. Accompagné de l’architecte, Patrick Bouchain, qui, tout en étant respectueux de Mansard, fait subir à l’édifice une étonnante réhabilitation où se retrouvent pêle-mêle le souvenir des fastes d’antan, les traces d’un monde ancien et les jeux de la théâtralité d’aujourd’hui.
Maçons, charpentiers, menuisiers, maître des forges, électriciens, plâtriers, tous participent à leur façon à l’opération. Un artisan passionné – autrefois maréchal Ferrand – installe les stalles qui accueilleront les crémolos et autres chevaux de la troupe en janvier 2003. Monsieur Clément nous dit sa fierté d’être là, sa volonté de montrer avec orgueil à ses enfants et à ses petits-enfants « son » chantier. Pourquoi ? Parce que c’est Versailles, parce que c’est Bartabas.
Les charpentiers et les menuisiers nous racontent qu’ils sont compagnons depuis plusieurs décennies et qu’ils ont accompagné Bartabas depuis Zingaro et Bouchain dans d’autres inoubliables aventures. Si les stalles sont l’œuvre des ferronniers, le manège est tout de bois construit… Du bois français non pas par fierté nationale mais parce qu’ils savent que ces bois viennent d’exploitations qui sont bien tenues, qu’elles sont soigneusement replantées après la coupe. Et non pas comme cela se passe sous les tropiques où les jungles sont défôrestées sans espoir de nouvelles plantations. Que Patrick Bouchain a évité avec raison et sagesse ces bois exotiques qu’ils n’aiment pas parce qu’ils sont maltraités à l’arsenic qui empoisonne de malheureux forestiers, qui, pour des salaires de misère, conditionnent à bas prix les bois inutilement imputrescibles pour l’Europe…
Un peintre (Sauvat) habille les murs d’immenses fresques équestres du bout de son fusain. Un maître verrier (Jean Lautrey) assemble des milliers de pièces avant de poser ses seize lustres gigantesques. Et lorsque chacun remet son ouvrage, l’émotion est visible.
Le lieu n’est pas restauré à l’identique, il est interprété et c’est de cette interprétation qu’il s’agit de parler.
Bien sûr, les élèves de la future académie du spectacle équestre, fraîchement sélectionnés, préparent leur entrée en piste sous le regard intransigeant et bienveillant du conducteur de l’entreprise, Bartabas.
Le jour de cérémonie marque une naissance ; celle de l’académie du spectacle équestre.
Le film explore la mise en place de cette Académie ; première du genre… Il vise à montrer comment le quotidien des élèves et de leurs maîtres de danse, d’arts martiaux, d’escrime, de chant et même de sculpture, va, petit à petit, s’installer. Comment parés de leurs nouveaux habits, ces anciennes écuries et ce manège royal vont-ils véritablement redevenir : lieu de création pour un théâtre équestre contemporain ?
Comment, ces lieux, si majestueux, vont-ils accueillir leurs nouveaux locataires fiers et orgueilleux qui partageront le sentiment de faire partie d’une nouvelle aristocratie ? Une nouvelle aristocratie venue d’une histoire sans âge et sans caste, animée d’une passion en ébullition, constituée de passeurs d’émotions sans cesse renouvelées, qui s’exprime dans l’aventure infinie des rencontres des humains et des chevaux.